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Passer à l’industrie 4.0: Pourquoi c’est plus facile pour la Tunisie que pour l’Allemagne?

Dernière mise à jour : 23 déc. 2022


Industry 4.0; Technology;
Un pas de géant de 2.0 à 4.0

Pourquoi c’est plus facile pour la Tunisie

D’abord, l’industrie 4.0, c’est nouveau pour tout le monde. Il n’y a donc pas de complexe à avoir face à “d’autres” acteurs. Bien sûr, des pays comme l’Allemagne, l’Italie ou la France ont une longue histoire de développement et de recherche dans le domaine, mais quand il s’agit des nouvelles applications industrielles, tout le monde est en train d’apprendre.


Par ailleurs, la majorité de l’outil industriel tunisien est au niveau de l’industrie 2.0, alors que l’Europe et les Etats-Unis, par exemple, sont fortement ancrés dans l’industrie 3.0 (forte automatisation et robotisation). Ceci est dû en grande partie au fait que l’outil industriel tunisien a souvent été importé après avoir vécu une longue vie en Europe, puis ailleurs, et que tout l’écosystème industriel tunisien s’est focalisé sur son adaptation et sa maintenance. La devise est souvent: “Faire survivre nos vieilles machines le plus longtemps possible”.

Aujourd’hui, ce retard peut être transformé en un avantage significatif pour la Tunisie si nous nous y prenons bien.

En effet, les dernières années, le matériel industriel (automates programmables, capteurs, systèmes de communication industrielle et collecte et gestion des données) a fait un grand bond vers l’industrie 4.0. Or, si une usine de production fortement automatisée (niveau 3.0, typiquement européen) cherche aujourd’hui à profiter des avantages de l’industrie 4.0, il s’agira pour elle d’un investissement énorme, non seulement en termes de matériel (des dizaines ou des centaines d’automates parfaitement fonctionnels à mettre à jour) mais également en termes de compétences. Le métier d’automaticien par exemple, s’est complètement transformé. Par ailleurs, aujourd’hui, un automaticien, un électricien et un informaticien doivent pouvoir se parler et se comprendre. Nous ne travaillons plus en silos.

En Tunisie, il s’agirait souvent de remplacer un automate déjà amorti depuis longtemps, voire d’ajouter des automates là où il n’y en a pas. La notion de “sunk cost” ne vient donc pas freiner la motivation de l’investisseur. D’autre part, la population des techniciens et ingénieurs en génie automatique et électricité ou informatique industrielle est jeune et largement familiarisée avec les bases de l’informatique et de la programmation. Le pas technologique est donc aisé à franchir.

Ainsi, notre retard nous rend aussi agiles, flexibles et rapides. A nous de bien gérer cet atout.


Alors qu’est-ce qui nous retient?

Parmi les nombreuses réponses à cette question, il en existe à mon opinion 3 qui expliquent nos difficultés à nous lancer des deux pieds dans les nouvelles technologies.

La première est le manque d’intégrateurs industriels en Tunisie (il y en a de très bons, mais trop peu). Ce manque est un maillon faible entre d’une part, les startups qui innovent vite et bien, et les industriels qui souhaitent adopter de nouvelles technologies. En effet, la startup ne peut pas se présenter à un industriel avec un prototype sortant tout juste du laboratoire. Dans de très nombreux cas, ce prototype sera insuffisamment testé, insuffisamment fiable ou adapté aux besoins spécifiques de l’industriel. D’autre part, on ne peut pas attendre d’un industriel, dont la mission est de produire et de livrer à temps un produit de qualité conforme, qu’il s’occupe d’intégrer in situ des systèmes technologiques complexes, qui font appel à de nombreuses compétences spécifiques et dont les tests ruineraient sa production.


Justement, la mission d'un intégrateur est la transformation d’un système prototype de laboratoire en un objet industriel qui peut être testé avec suffisamment de confiance dans un système industriel réel. Ses missions incluent entre autre la standardisation d’un prototype, les tests in-situ, la conformité et la certification d’un système, ainsi que sa programmation spécifique pour les besoins d’un client. Il est également en charge de conseiller et d’informer les clients industriels sur les nombreuses réponses technologiques à donner à leurs problèmes spécifiques. Voici donc une très bonne opportunité de développement pour l’industrie dans toutes les régions du pays.

D’autre part, nous sommes souvent enfermés dans un modèle low-cost où la recherche permanente de la réduction des coûts de production est la philosophie essentielle à la survie de l’entreprise. Si ce modèle a été très bénéfique pour l’industrie tunisienne dans le passé, il devient dépassé aujourd’hui dans de nombreux secteurs. Pour bénéficier des avancées de l’industrie 4.0, nous devons changer de paradigme. Nous devons comprendre que l’investissement portera ses fruits s’il s’inscrit dans un projet de refonte du modèle de production, mais aussi du modèle commercial, logistique et organisationnel. Un projet 4.0 doit être envisagé dans sa globalité pour tirer le meilleur parti de l’investissement.


Enfin, vient la question de l’état d’esprit. Nous avons été des utilisateurs de technologie pendant des décennies, et nous sommes donc très compétents dans les domaines de la maintenance, de la réparation, de l’adaptation. Maintenant, nous devons réfléchir comme des créateurs de technologies, nous voir comme tels, agir comme tels, enseigner et apprendre comme tels. Si nous avons l’ambition et la foi que nous allons réussir, nous pourrons faire les efforts nécessaires, et nos partenaires commenceront à nous voir comme un marché sérieux. Nous devons y croire pour avoir confiance et pouvoir investir dans les personnes, le matériel et les nouveaux marchés qui vont s’ouvrir à nous.


C’est possible

Les technologies de l’industrie 4.0 apportent des bénéfices énormes non seulement aux industriels (économies, performance augmentée), mais aussi aux consommateurs (nouveaux services, produits de meilleure qualité), à l’environnement (moins de pertes, de déchets) et à la société entière (créations d’emplois qualifiés, de richesses). Au delà des termes techniques et de la mystification, il y a un chemin à emprunter pour lequel nous avons déjà les chaussures. Reste à bien utiliser notre boussole. Ne pas emprunter ce chemin serait condamner à terme notre industrie à disparaître.


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